Le système de comptoir d’achat d’or mis en place par les trois villages génère une manne financière qui sert à faire des réalisations dans le cadre du développement communautaire.
Machôgô est une bourgade de la commune rurale de Misseni dans le cercle de Kadiolo. Le village qui fait frontière avec la Côte d’Ivoire abrite un site d’orpaillage qu’il partage avec deux autres localités à savoir Kebeni et Lougani.
En 2007, le site d’orpaillage de Machôgô a fait l’objet d’une fermeture a fait l’objet d’une fermeture après une descente musclée des forces de l’ordre. Plusieurs raisons ont été avancées pour motiver cette décision. Il s’agit entre autres de l’existence du site dans une forêt classée, des décès étranges réguliers, la sortie anarchique du métal jaune vers des pays voisins et des tensions récurrentes entre les autochtones et les étrangers venus du Burkina, de la côte d’Ivoire et de la Guinée. Cette situation fragilisait l’économie locale mais aussi ne contribuait pas au développement local.
Tirant les leçons du passé et s’inspirant des bonnes expériences vécues ailleurs, les villages de Machôgô, Kebeni et Lougani ont profité de la réouverture du site d’orpaillage en 2015 pour réorganiser. C’est ainsi qu’ils ont convenu de mettre en place un système de comptoir d’achat de l’or pour contrôler la quantité d’or produite chaque jour dans le but de mieux tirer profit de l’exploitation de leurs ressources.
Le comptoir d’achat est un marché où les orpailleurs font peser l’or. Il est géré par un comité de gestion qui réunit les représentants des Tombolama (gardien du site d’orpaillage), les représentants des chefs de villages de la jeunesse, et de la mairie.
Inzan Koné, ressortissant de Machôgô est responsable du comité de gestion du comptoir d’achat du site. Interrogé par nos soins, il nous explique le fonctionnement de ce système de contrôle de l’or issu de l’exploitation artisanale.
« Les trois villages ont créé un central d’achat (comptoir) afin que leurs localités puissent bénéficier de leur site d’orpaillage. Chaque jour vers le soir, les orpailleurs passent au comptoir pour montrer et peser la quantité d’or produite. Sur chaque gramme d’or, le propriétaire donne 5000 FCFA aux gérants du comptoir. Chaque jour, les gérants du comptoir rendent compte ensuite au comité de gestion. Et à la fin du mois, le comité de gestion et la mairie se réunissent pour faire le décompte et repartir le fonds conformément à la clé de répartition », affirme-t-il.
Selon Inzan Koné, ce système de gestion de l’or issu de l’orpaillage est inspiré de la Côte d’Ivoire voisine où la réglementation est assez sévère en qualifiant de crime tout vol de l’or sur le territoire ivoirien. D’où la mise en place des comptoirs d’achat d’or sur chaque site d’orpaillage. Aux dires du responsable du comité de gestion du comptoir d’achat du site d’orpaillage de Machogo, ce système que les trois villages en partage du site ont expérimenté a été très bénéfique. « Ce système nous a permis d’avoir beaucoup d’argent et faire quelques réalisations dans les trois villages, dans la commune et même au niveau cercle. Grâce à ce fonds, le comité de gestion du comptoir d’achat de l’or a pu réhabiliter des routes, rénover la maison du commandant, construire la salle de réunion de la sous-préfecture. Également, deux pompes et un centre de santé ont été construits dans chacun des trois villages. Ce fonds nous a aussi permis d’acheter une ambulance à une valeur de 30 millions pour la commune de Misseni », détaille Inzan Koné.
ce système qui révolutionne l’exploitation artisanale d’or comporte des insuffisances. En effet, selon Inzan Koné, certains orpailleurs communément appelés des clando tentent chaque jour de contourner le comptoir d’achat. Ils cachent l’or qu’ils ont exploité et trompent la vigilance du comité de gestion du comptoir. « Ces clandos s’en vont avec l’or en territoire ivoirien sans passer au comptoir. Ce qui complique le travail du comité de gestion qui ne peut pas les poursuivre sur le territoire ivoirien », regrette-t-il.
Malgré tout, le comptoir d’achat d’or de Machôgô est un cas d’école qui doit servir de sources d’inspiration non seulement pour les hautes autorités maliennes mais aussi les villages abritant des sites d’orpaillage. Le pays peut beaucoup bénéficier de l’orpaillage si le secteur est bien encadré et contrôlé. Et Machôgô est un exemple à suivre !
A noter que parmi tous les sites d’orpaillage au Mali, seul Machôgô dispose un dispositif de comptoir d’achat d’or.
Boubacar Kanouté